https://www.lefigaro.fr/culture/notre-dame-de-paris-futur-disneyland-20211208
DÉCRYPTAGE - Le projet d’aménagement intérieur de Notre-Dame de Paris a été présenté le 9 décembre. Il est loin de faire l’unanimité.
Après la controverse sur la flèche de Notre-Dame de Paris, c’est au tour de l’aménagement intérieur de la cathédrale, ravagée par les flammes en avril 2019, de susciter la polémique. Le 9 décembre, le diocèse de Paris a présenté son projet à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA). Dans ce que l’on sait de ses grandes orientations comme de ses détails, il ne fait pas l’unanimité, tant au sein du clergé que des fidèles dont beaucoup s’inquiètent de ne plus reconnaître leur cathédrale lors de sa réouverture au public en 2024. Confié par Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris (qui vient de démissionner de ses fonctions), au père Gilles Drouin, curé du diocèse d’Évry - Corbeil-Essonnes et directeur de l’Institut supérieur de liturgie à l’université catholique de Paris, le sujet cristallise les tensions. Un article du Daily Telegraph a mis le feu aux poudres: Notre-Dame de Paris, édifice majeur de la chrétienté serait en passe, d’après le quotidien britannique, de devenir une sorte de «Disneyland politiquement correct», son aménagement intérieur faisant la part belle à la scénographie, aux expérimentations hasardeuses, aux effets sonores et aux jeux de lumière. «C’est comme si Disney entrait à Notre-Dame», a expliqué au Daily Telegraph l’architecte, urbaniste et critique Maurice Culot, après avoir vu les plans. Ce qu’ils proposent de faire à Notre-Dame ne serait jamais fait à l’abbaye de Westminster ou à Saint-Pierre de Rome. C’est une sorte de parc à thème, très enfantin et trivial compte tenu de la grandeur du lieu.»
L’objectif est de transmettre le message de l’Église du XXIe siècle d’une façon moderne, pédagogique, accessible au plus grand nombre et notamment aux 12 millions de visiteurs annuels de la cathédrale parmi lesquels les étrangers sont nombreux. À cet effet, «des phrases bibliques ou de tradition spirituelle chrétienne» seront projetées en différentes langues, y compris en mandarin, sur les murs des 14 chapelles. Celles-ci, remodelées en 1862 par Eugène Viollet-le-Duc, devraient faire l’objet de profonds bouleversements. Six ou sept d’entre elles se verront privées de leurs confessionnaux, remisés dans les tribunes. Les autels conçus par Viollet-le-Duc resteront certes en place, mais ils devraient être intégralement délestés de leurs ostensoirs et candélabres, de même que des sculptures dessinées par l’architecte. «Les chapelles des bas-côtés seront ainsi dépouillées des derniers éléments dus à Viollet-le-Duc, à l’exception des vitraux de l’atelier Gérente, regrette Didier Rykner, fondateur du magazine en ligne La Tribune de l’art. Mais leur aménagement ira plus loin: la plupart d’entre elles se verront dotées, en pendant d’une œuvre ancienne, dont certains des Mays encore conservés dans la cathédrale, d’œuvres contemporaines dont on ne sait rien sinon qu’il faudra faire confiance au génie des artistes si ce n’est à celui du clergé.»
Des artistes contemporains
Des œuvres d’Ernest Pignon-Ernest, pape français du street art, Anselm Kiefer ou encore Louise Bourgeois pourraient ainsi «dialoguer» avec celles de maîtres anciens comme les frères Le Nain ou Charles Le Brun. Sculptrice et plasticienne décédée en 2010, Louise Bourgeois n’avait-elle pas imaginé le mobilier d’une chapelle à Bonnieux (dans le Luberon), inaugurée en 2004 par Jack Lang et baptisée Couvent d’Ô? Outre une Vierge à l’Enfant, on peut y voir une singulière croix, avec des mains qui se tendent ; ou un bénitier au fond duquel des seins de femmes ont été sculptés dans la pierre. Prière… de comprendre le message. Mais il faudra aussi faire preuve d’une certaine perspicacité pour se repérer dans la future scénographie des chapelles de Notre-Dame de Paris, rebaptisées de façon thématique «Foi et raison», «la Mystique», «la Charité», «l’Espérance», «la Mission», ou encore «la Création réconciliée» en référence à l’encyclique du pape François Laudato Si’ . Et les fidèles, dans tout cela? Exit les chaises séculaires inconfortables. Place à des bancs à roulettes - équipés de lumignons - qui pourront disparaître à volonté à l’aide d’un monte-charge. Direction: la crypte, dont il faudra pour cela amputer une partie des voûtes médiévales. Quant à l’éclairage de la nef, il devrait réserver quelques surprises. Il variera selon les jours. On n’arrête pas le progrès, dit-on. Mais tous ces artifices conduiront-ils les âmes vers Dieu?
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