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Le cerveau humain est divisé en parties contrôlant différents domaines de notre
perception mais les parties sont coordonnées entre elles. Le processus d’apprentissage est
basé sur cette interaction entre sens, sur la création de mémoire et sur nos gènes. En
analysant plus précisément le fonctionnement de ce processus, il devient très net
qu’intellect et corps fonctionnent comme un tout et que l’action – entendre corps en
mouvement – est un élément clé pour l’apprentissage.
La construction du self
La construction de soi, le développement du self, se fait à partir des gènes, de
l’interaction avec l’environnement, des émotions et de la mémoire. Nos gènes sont
composés en partie de ceux de générations antérieures, restés intacts, ainsi que de
variations de ces gènes familiaux. Mais l’impact direct de ces gènes dans le processus
d’apprentissage est très faible. En effet, ils ne reflètent pas directement nos traits de
personnalités. Cependant, leur interaction avec l’environnement façonne notre cerveau.
La quantité de structures neurales résultantes possibles est immense et ce sont les
expériences vécues dans un certain milieu et entourage qui seront décisives dans la
construction du self. Cette construction correspond à un « câblage » de synapses, ces
dernières étant les liaisons entre les neurones (cellules cérébrales). Cette possibilité de
façonner la structure interne du cerveau à partir de l’expérience est appelée la plasticité
cérébrale et a de nombreuses conséquences intéressantes particulièrement dans les
domaines médicaux traitant les maladies et dégâts neurologiques. Elle influence
directement la flexibilité des comportements, ce qui a un impact sur l’intelligence.
Spearman dit « Plus les sens perçoivent les différences, plus le champ sur lequel nos
jugements et notre intelligence sait agir est grand »13. Elle influence donc directement
l’acquisition de compétences cognitives. Nous continuerons à parler de la plasticité
cérébrale à plusieurs reprises dans ce chapitre car c’est un élément central du phénomène
d’apprentissage qui nous intéresse.
Le self est multiple. Il n’est pas uniquement conscient, il est aussi inconscient. Ce
n’est pas uniquement un agent actif contrôlant nos pensées, nos perceptions. Joseph
13 MERCUADO Eduardo, “Neural and Cognitive Plasticity : From Maps to Minds”, Psychological Bulletin,
American Psychological Association, 2008, Vol. 134, No. 1, p112.
Ledoux14 explique également l’importance de la mémoire dans la construction du self. En
effet, elle permet de maintenir une logique de minute en minute. Le soi est donc
principalement fait de mémoires. Or, ces dernières sont des connections de synapses.
L’identité humaine a donc sa source dans ces connexions créées dès le plus jeune âge à
travers une interaction entre gènes et environnement et à travers un processus
d’apprentissage, résultat de l’expérience. En effet, Alex et David Bennet expliquent que
l’on apprend par la sélection, la connexion et les changements d’information15. Peu après
la naissance a lieu une explosion de synapses représentant une infinité d’opportunités
d’apprentissage. Entre le 8ième et le 16ième mois de la vie, des dizaines de billions d’entre
eux vont disparaître à la suite d’une sélection sculptée16 par interaction avec
l’environnement. Mais comme l’explique Begley17, rien n’est définitif grâce à la propriété
de plasticité du cerveau. Il est possible d’étendre ou de contracter des régions du cerveau.
Et cela se fait par l’action et la pensée.
Nous mentionnons et expliquons le self dans cette section et c’est assez significatif
par rapport à notre question de l’apprentissage car il est, comme le définit Carl Rogers18,
la partie organisée, composée des caractéristiques du je ou du moi. Les scientifiques plus
récents comme Damasio, Ledoux, Gallagher, Sorabji et Churchland parlent d’une
multiplicité du self car il n’est pas uniquement conscient. La partie inconsciente fait aussi
partie intégrante de ce dernier. Lorsqu’on s’intéresse à l’apprentissage, il est fondamental
de se souvenir qu’il y a une part d’inconscient structurant. Ledoux dit que le self est « la
totalité de ce qu’un organisme est physiquement, biologiquement, socialement et
culturellement. »19 Et « la conscience est le produit des processus cognitifs
inconscients »20. Selon Damasio, le sens du self est lié à la conscience, l’attention, le
comportement, l’action, les émotions et sentiments à travers la relation entre les sens de
l’organisme et un objet21. Cette perspective biologique du self implique qu’il se construit
14 LEDOUX Joseph, “The Self : clues from the brain”, Annals of the New York Academy of Science, New
York Academy of science, Vol. 1001, 2003, pp 295-304.
15 BENNET Alex, BENNET David, “The human knowledge system : music and brain coherence”, Vine, Vol.
38, No. 3, p 279.
16 Chaque interaction avec l’environnement est déterminante en termes de connexion de synapses. L’infinité
de connexions possibles au début de la vie se détermine petit à petit à force d’interagir avec ce qui nous
entoure. C’est ainsi que est sculpté un réseau d’interactions synaptiques construisant l’identité de l’individu.
17 Cité dans : BENNET Alex, BENNET David, op. cit., p 279.
18 Cité dans : LEDOUX Joseph, op. cit., p 2.
19 Cité dans : BLAIR Rhonda, op. cit., p 54.
20 Cité dans : Ibid., p 54.
21 Ibid., p 60.
de manière dynamique en relation avec son environnement et grâce à un engagement
corporel.
La mémoire
Le processus d’apprentissage, comme Joseph Ledoux l’explique dans un débat sur
les neurosciences22 et la question de la mémoire, dépend des synapses et du principe de
plasticité du cerveau. Chaque information perçue voyage dans le cerveau à travers un
réseau de chemins neuronaux se terminant dans différentes parties du cerveau. Quand une
information est significative, la force de l’input (la donnée entrante) est modifiée et
lorsqu’il y a une rencontre entre plusieurs réseaux, le faible input va avoir la possibilité
d’activer une réponse forte grâce à sa connexion à un réseau fort, ce qui permet de
récupérer la mémoire. Notre mémoire fonctionne sur l’association d’informations. Pour
l’améliorer, il est donc fondamental de créer des associations qui vont être considérées
fortes, c’est-à-dire qui nous touchent. Les émotions ont une place conséquente dans le
processus d’apprentissage car elles déterminent la force de l’information dans le cerveau.
Cette possibilité d’association permettant d’améliorer l’accès à une mémoire fait partie
du phénomène de plasticité. Ledoux23 explique également qu’il y a différentes sortes de
mémoires, ce qui implique différentes méthodes de stockage. Certaines mémoires
peuvent même être implicites. Prenons l’exemple d’un enfant apprenant à rouler à vélo.
Dans ce cas, chaque mouvement est planifié par le cerveau à partir d’un système
d’anticipation24 qui, au fur et à mesure des répétitions, corrige davantage ses prédictions
et permet à l’enfant, après un entrainement répété, de savoir rouler à deux roues. La
plupart de ces mémoires présentes dans le cerveau sont, dans ce cas, implicites.
L’apprentissage par le mouvement fait intervenir beaucoup de sens différents et de
prédictions. Les associations entre tous ces sens rendent l’acquisition de connaissances et
de compétences forte. Ce sont des informations faciles à récupérer dans la mémoire. De
même, Blair explique que, par un processus de répétition et d’association à des mémoires
fortes, on les fait passer de la mémoire courte à la mémoire longue25.
22 PAULSON Steve, “The mystery of memory : in search of the past”, Annals New York Academy of Science,
2013, Vol. 1303, pp 36-55.
23 LEDOUX Joseph, op. cit..
24 BERTHOZ Alain, Le sens du mouvement, Odile Jacob, 2013. Le cerveau stocke des mémoires et en fait
une base de données lui permettant d’anticiper et de prédire des évènements semblables. Ces évènements
peuvent être des mouvements du corps, l’observation de mouvement d’autrui, de l’analyse d’information,
... Grâce à ce qui a déjà été expérimenté, il s’adapte, rend ces prédictions plus précises et plus justes et
apprend. Nous reparlons de ce phénomène dans une autre section.
25 BLAIR Rhonda, op. cit.
Il est ceci-dit, important de noter que les mémoires sont transformées et filtrées
par le temps. Elles sont toujours une reconstruction de l’imagination au moment du
rappel. Cependant, en comprenant que les mémoires sont un phénomène du moment,
c’est-à-dire de l’instant où elles sont rappelées et sont influencées par la nouvelle situation
et le nouvel état de corps, il serait plus judicieux de les utiliser et les associer afin de
résoudre des problèmes de manière nouvelle et créative et non de tenter une restitution
pure. Un enseignement à l’écoute des découvertes sur le cerveau devrait demander, non
pas de la restitution d’informations, mais des réponses innovantes et créatives à partir des
sujets abordés auparavant. Et ces sujets devraient être étudiés de manière à faire travailler
un maximum de sens différents.
L’interaction des sens et la perc
23
nouvelles solutions et la créativité basée sur l’expression de soi d’une manière unique45.
Ces deux types peuvent sembler séparés mais ils ne sont pas mutuellement exclusifs.
L’étude dit qu’ils peuvent se rejoindre notamment à travers de concepts tels que les
métaphores et les analogies.
Quand on parle de créativité, on peut également parler d’imagination.
L’imagination se développe à partir des mémoires et autant les unes que les autres
n’existent qu’à travers les images du corps, qui sont définies par Damasio comme les
« cartographies » des états du corps46. Comme pour les mémoires, ces images sont une
réflexion sur les évènements du moment, les interactions entre l’organisme et son
environnement. On peut dire que l’esprit raconte une histoire au départ préconsciente et
qui arrive ensuite dans la conscience. La créativité, bien qu’elle ne soit probablement pas
limitée à ce processus, se développe avec l’imagination et cette capacité de créer des
images nouvelles qui sont, en fait, des associations créées par l’interaction entre corps et
environnement.
Puisque la capacité à créer est la racine de toute innovation et de toute solution de
problème47, il est fondamental de développer cette compétence dans l’enseignement et
l’éducation.
La pratique des arts scéniques tels que le cirque, le théâtre et la danse encouragent
la création, le développement d’idées nouvelles, le développement de concepts et
méthodes nouvelles. Ainsi un jeune qui pratique ces arts va augmenter ses compétences
créatives et par conséquent ses compétences à innover et apporter des solutions. Si de
plus, ces pratiques artistiques sont utilisées pour des matières scolaires théoriques, le
jeune va apprendre à innover et solutionner dans toutes sortes de domaines. En utilisant
les métaphores et en combinant les deux types de créativité dont parle Anna Abraham –
bien qu’il ne s’agisse ici encore que d’hypothèses – il devrait être possible d’améliorer48
45 ABRAHAM Anna, « The promises and perils of the neuroscience of creativity”, frontiers in human
neuroscience, The University of Tokio, Japan, 2013, Vol. 7, Art. 246, p 7.
46 BLAIR Rhonda, op. cit., p 77.
47 MCPHERSON Malinda, LIMB Charles J, op. cit., p 82.
48 Il s’agit d’un véritable enjeu pour la réussite scolaire qui est actuellement un débat dans l’enseignement.
La lutte contre l’échec scolaire est une question centrale. Comprendre le processus cérébral de
l’enseignement peut être un éclairage. Michel Desmarets en parle dans un article de La Libre Belgique et
il affirme « c’est bien d’experts en éducation dont la société a besoin. » Il dénonce la gravité de l’échec
scolaire actuel et propose de voir l’école comme un lieu de révélation d’autres problèmes sociétaires et
identitaires, d’où l’importance d’un enseignement mis à jour et à l’écoute de son public. DESMARETS
Michel, « Un autre regard sur l’échec scolaire » La Libre Belgique, 2009. URL :
http://www.lalibre.be/debats/opinions/un-autre-regard-sur-l-echec-scolaire-51b8a96de4b0de6db9b64d67.
24
les compétences cognitives dans beaucoup de domaines. Utiliser un tel outil dans le
domaine de l’enseignement pourrait aider les jeunes à aborder les concepts abstraits tout
en participant à un développement plus général de sa personnalité. De plus, si l’on parle
d’un apprentissage par la créativité, il est dynamique. Il s’agit d’un processus de création
partagée entre professeur – ou animateur – et jeune. Et s’ils atteignaient le « flow » state,
il s’agirait également d’un apprentissage demandant moins d’efforts.
Les émotions
“In the beginning was emotion but in the beginning of emotion was action”
Damasio49
Les émotions jouent également un rôle clé dans notre discussion. En effet, elles
interviennent dans les processus de cognition, elles interviennent dans les processus de
raisonnement et de prise de décision et sont fortement reliées aux « marqueurs
somatiques50 » et donc au corps. Le cerveau émotionnel donne une valeur aux
informations entrantes. Cette valeur est fondamentale dans le processus de sélection et
d’organisation des synapses. De plus, elles contribuent à l’évaluation de l’environnement
lors de la perception, ce qui est à la base du processus cognitif51. Les émotions prennent
part au processus d’apprentissage. Mais elles ne sont pas uniquement fondamentales à ce
niveau-là de la discussion. Antonio Damasio a étudié des patients ayant subi un dommage
cérébral important dans certaines parties du cortex préfrontal et a découvert que les
émotions jouaient un rôle important. Ces patients, dont Phinéas Gage est l’exemple
historique, n’ont perdu quasi aucune capacité intellectuelle (dans le cas de Phinéas Gage,
les centres de motricité et de langage sont intacts), toutes leurs connaissances sont
présentes mais ils sont dans l’incapacité de prendre des décisions raisonnées, tout
particulièrement dans le domaine social et personnel. Damasio observe un changement
de personnalité conséquent qui a des répercutions dramatiques dans la vie du patient qui
est, dorénavant, dans l’incapacité d’agir de manière raisonnée dans sa vie et ce, bien que
son attention, sa mémoire, sa capacité à apprendre et son estimation soient en bon état. Il
ne ressent plus les émotions comme auparavant. Damasio52 explique que le raisonnement
49 Cité dans : BLAIR Rhonda, op. cit., p 68.
50 Terme utilisé par Damasio dans son livre, L’erreur de Descartes, pour parler des perceptions d’un état
du corps qui va donner un repère au sujet.
51 DIETRICH Arne, op. cit., p 1012
52 DAMASIO Antonio R., L’erreur de Descartes, la raison des émotions, Edition Odile Jacob, Paris, 1995.
25
et la prise de décision dans le domaine personnel et social sont basés sur le système
émotionnel. Il explique également que ce système est influencé par le contexte, (le
Umwelt, l’environnement). En effet, d’autres études développent la corrélation entre
l’environnement et les émotions ainsi que la partie corporelle de ces dernières. Les
émotions ont un effet corporel et sont influencées par l’état du corps mais également par
le contexte extérieur53. Elles sont constituées de 5 composantes interagissant :
1) les sentiments subjectifs
2) la composante cognitive
3) la composante motivationnelle
4) la composante neurophysiologique
5) les expressions moteurs (par ex. : les mimiques)54.
Que le contexte extérieur influe implique que les individus le fassent également.
Ces influences ne doivent pas être simplement agrégées. On peut effectivement avoir un
comportement de foule différent de la somme des comportements individuels. Ceci
montre l’aspect dynamique de l’interaction entre émotion et environnement.
Quand on parle des émotions, il est important de définir clairement la différence
entre sentiment et émotion. Pour les neuroscientifiques, les sentiments sont les
perceptions des émotions qui, elles, sont davantage physiques, résultantes automatiques
d’un état de corps. Les sentiments, eux, participent à notre conception de soi, ils sont la
partie consciente de l’émotion. Blair explique que ces dernières, les émotions, régulent la
vie et en leur absence, la conscience en prend un coup car elles sont inséparables de la
raison55, ce qui rejoint les constatations de Damasio. Elle continue en disant qu’être
conscient de nos émotions nous permet d’être créatif et innovateur dans nos réponses aux
problèmes. Les émotions et notre conscience des sentiments sont acteurs dans le
processus de prise de décision. Or comme Damasio ou Ekman le disent, les émotions
dépendent de l’état du corps et donc du comportement physique. Rien n’est donc séparé.
Tout est enacté56 et vécu par rapport à sa relation avec son environnement.
53 STEPHAN Achim, WALTER Sven, WENDY Wilutzky, “Emotions beyond brain and body”, Physical
Psychology, Routledge, 2014, Vol. 27. No. 1, pp 65-81.
54 Ibid., p 74.
55 BLAIR Rhonda, op. cit., p 68.
56 Enacté est un terme nouveau qui signifie « vécu corporellement », « ancré dans le corps ». Il semble
essentiel à notre propos.
26
Pour notre travail visant à comprendre le processus cérébral de l’apprentissage
pour inspirer la pédagogie, le fait que les émotions soient impliquées dans l’apprentissage
mais encore davantage dans les processus de décision et de raisonnement nous pousse à
les prendre en compte dans notre réflexion sur l’éducation et l’enseignement. Sachant
qu’elles sont contextualisées et enactées, il semble intéressant de mettre en place des
environnements spécifiques57 afin de développer la capacité de raisonnement et
l’apprentissage chez les jeunes. L’exercice dramatique et la représentation scénique ont
cette particularité de créer un environnement très particulier, un lieu dans lequel il y aura
des interactions entre individus et duquel pourront apparaître des émotions. De plus,
comme il est globalement admis, un apprentissage entrainant amusement, joie et intérêt
sera toujours plus efficace que celui uniquement fondé sur l’obligation. Il en est de même
pour les apprentissages actifs en comparaison à ceux qui sont passifs. Par actifs, on peut
notamment considérer ceux qui dynamisent les émotions.
Les périodes de la vie et la plasticité
Piaget a révolutionné la psychologie cognitive en apportant notamment l’idée
qu’il y a des époques critiques pour l’apprentissage. De deux ans à seize ans, les enfants
passent par divers modes de développement, utilisant à chaque étape un niveau supérieur
du système cognitif. L’enfant découvre d’abord son système sensorimoteur (0-2 ans),
ensuite il apprend à se faire des représentations (2-6 ans). Au stade suivant, il réalise des
opérations concrètes (7-11 ans) pour développer à l’adolescence les opérations abstraites
(12-15 ans).
Selon les découvertes actuelles, on ne peut plus parler de périodes critiques mais
plutôt de périodes sensibles. En effet, la plasticité cérébrale permet de nouvelles
adaptations, la création de nouvelles connaissances et l’acquisition de nouvelles
compétences tout au long de la vie. Il serait même intéressant de développer
l’apprentissage chez les vieilles personnes pour entretenir un cerveau en bonne santé et
éviter ou ralentir l’arrivée de déficits cérébraux comme’Alzheimer58. Cependant,
certaines périodes sont plus propices à certains apprentissages. Les bébés créent des
synapses à un rythme extraordinaire. Et par exemple, les stimuli sensoriels et l’acquisition
57 Dans le dernier chapitre, nous parlerons de l’importance du lieu et de l’infrastructure scolaire.
L’environnement joue un rôle clé dans l’apprentissage. L’environnement scolaire doit donc être pensé à cet
effet.
58 DELLA CHIESA Bruno, HINTO Christina, « Comprendre le cerveau : naissance d’une science de
l’apprentissage », Cerveau&Psycho, OCDE , 2008, No. 28, p 2.
27
d’une langue se fait beaucoup plus facilement chez les enfants de jeune âge. Le
vocabulaire s’apprend de la même manière à tout âge mais les structures grammaticales
ainsi que l’accent, par exemple, ne s’apprennent pas avec la même facilité à l’âge adulte.
Il serait, dès lors, intéressant d’enseigner les langues avant le secondaire.
Les adolescents ont un statut particulier par rapport au développement cérébral.
Ils sont dans une phase avec un potentiel d’apprentissage très puissant mais le problème
est leur immaturité émotionnelle (le cortex préfrontal n’est pas encore mature). Et comme
nous l’avons vu, les émotions prennent une place importante dans le processus. Elles
guident et perturbent beaucoup de processus cognitifs et psychologiques, comme par
exemple la concentration, la résolution de problèmes et les relations sociales. Pour leur
permettre d’utiliser leur grand potentiel, il faudrait apprendre aux adolescents la
régulation des émotions59 et les aider à développer leur cortex préfrontal.
Les découvertes en neurosciences nous suggèrent donc de ne pas concentrer
l’apprentissage chez les enfants et jeunes adultes mais de continuer à le développer à tout
âge car « plus on apprend, plus on peut apprendre et plus on continue à apprendre, mieux
on continue à apprendre »60.
Dans les deux sections qui suivent, nous allons aborder deux concepts nouveaux
dont parlent Alain Berthoz ainsi que d’autres chercheurs et qui me semblent
fondamentaux pour la discussion de ce mémoire. Il s’agit de la vicariance et de la
simplexité. En effet, ils vont donner une structure à mon propos etmon idée.
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36
Conclusions sur le corps et la création dans l’apprentissage
Les connaissances actuelles sur le fonctionnement de l’appareil cognitif, de la
mémoire et du développement de soi montrent l’importance du corps. Pendant des siècles,
on a concentré notre attention sur la partie pensée et esprit en négligeant l’apport de la
corporalité dans le processus d’apprentissage. Damasio, en choisissant le titre de L’erreur
de Descartes, pour son livre analysant des patients à dommages cérébraux, affirme
l’importance de rassembler le corps et l’esprit qui jusque-là avaient été dissociés dans la
philosophie. En effet, il apparait des recherches neuroscientifiques évoquées qu’il serait
utile de prendre en considération la corporalité et de créer un système éducatif
l’englobant. Ceci est l’objet de ce travail. J’ai, à plusieurs reprises, mentionné les
pratiques dramatiques et d’expression corporelle car l’objectif est de les utiliser comme
outil afin de reconsidérer le corps dans l’enseignement à sa juste valeur. Les arts du
spectacle développant un esprit créatif, il me semblait également intéressant d’analyser
en quoi la créativité participe, elle aussi, au développement personnel et au processus
d’apprentissage.
Cependant, il est important de dire ce que les cours d’éducation physique
permettent déjà par rapport à ce travail du corps. Ils utilisent le jeu d’équipe ainsi que le
travail de la souplesse, de l’endurance, de la musculation, de l’attention, de la compétition
et le travail technique d’une discipline pour développer le corps et la santé physique des
élèves. Certaines disciplines des arts vivants telles que la danse et le cirque sont parfois
proposées dans ces cours. Le programme81 de l’enseignement catholique secondaire du
premier degré définit quatre axes éducatifs : l’éducation à la santé, à l’expression, à la
sécurité et l’éducation sportive. Ils ont une approche dans la lignée de ce dont nous avons
parlé dans ce chapitre. Le programme parle en effet d’adaptation au milieu, de
communication non verbale, de construction dans le respect de soi et des autres, de
précision de la perception et de la capture des informations qui nous entoure, de santé
grâce à une maîtrise du corps, de maîtrise du stress. Il sera donc important de les valoriser
dans la proposition à laquelle nous aboutirons dans le dernier chapitre.
Les découvertes neuroscientifiques actuelles nous permettent de concevoir un
nouvel outil, simplexe, pour l’éducation. Par simplexe, on sous-entend « imaginateur »,
81 FESeC, Education physique, 1ier degré : document du programme d’éducation physique premier degré,
Licap, Bruxelles, 2000. Référence : D/20007362/014.
37
novateur, anticipateur et ancré dans son environnement. Cet outil aurait comme
particularité simplexe
de renforcer les mémoires grâce à la combinaison d’un plus grand nombre de sens
et d’une plus grande activité du système émotionnel
de développer des créativités de tout type
de comprendre des concepts abstraits sur base de métaphores concrétisées
de développer le raisonnement et la prise de décision grâce à un système
émotionnel ancré et maîtrisé
de développer son identité personnelle (ou self) de manière complète.
On peut également aborder le corps dans l’apprentissage du point de vue de la
santé mentale et physique, ce qui fait l’objet de beaucoup d’études dans les recherches en
éducation physique et qui fait l’objet d’un consensus. Je ne compte pas développer cet
aspect en profondeur bien qu’il soit d’une telle importance qu’il mérite d’être mentionné
et ajouté à l’argumentation.
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