PNI, psycho-neuro-immunologie : cette médecine de pointe où le cerveau guérit le corps. Getty Images
DECRYPTAGE - C'est scientifiquement validé : émotions et croyances impactent la santé. Tout un champ de recherches appelé psycho-neuro-immunologie étudie désormais l'influence du psychisme et de la pensée positive sur la physiologie.
Les médecins de famille prescriront-ils bientôt des analyses émotionnelles ou comportementales en complément de prélèvements sanguins ? C'est ce que laisse augurer la hausse exponentielle des études confirmant le poids des émotions sur la santé. «S'il suffisait simplement de microbes et de virus pour que l'on soit malade, on le serait tous, tout le temps», assure le Pr Jacques Besson, chercheur en psychiatrie à l'Université de Lausanne, en Suisse.
«Le corps est profondément intriqué avec le psychisme, et les hormones du stress peuvent perturber le métabolisme.» Selon lui, l'entité psychosomatique que nous incarnons est aussi intimement liée à une culture, un environnement et une communauté. Nous sommes, par essence, des êtres de relation. «Quand on sent un rhume arriver, la révolution serait, par exemple, de se demander qui nous avons rencontré avant, ce qu'on nous aurait dit qui aurait peut-être réactivé une blessure ancienne de la petite enfance», suggère le Pr Besson. Ces propos, fantaisistes pour certains, avant-gardistes pour d'autres, résonnent avec les thèses de la psycho-neuro-immunologie (PNI).
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Fondée dans les années 1980, cette médecine de pointe avance qu'un stress sur un état fragilisé peut déclencher une chute d'immunité, et nous rendre ainsi perméable aux agents pathogènes. Un mode de vie sain ne suffirait donc pas à booster nos défenses contre les virus, il faudrait aussi cultiver un état d'esprit adapté. De plus en plus de disciplines médicales convergent vers cette approche holistique, à l'instar de la salutogenèse, d'Aaron Antonovsky.
D'après le sociologue américain, la médecine reste obnubilée par la pathogenèse, ou l'étude des causes des maladies. «La salutogenèse prend le sujet à contre-courant en stimulant les marqueurs de la bonne santé, et en cherchant dans le futur du patient ce qui peut le guérir», explique le Pr Besson. Entre autres leviers d'action : la quête de sens et de cohérence. Pour illustrer cette thérapie du sens, le spécialiste évoque l'histoire des maçons sur le chantier d'une cathédrale au Moyen Âge. Le premier affirme qu'il taille des pierres, le deuxième, qu'il gagne sa vie, quand le troisième dit : «J'édifie une cathédrale».
«On parle peu de santé positive», regrette Saphia Larabi, directrice des publications de la Fabrique Spinoza. Ce think tank dédié au bonheur citoyen a publié, en janvier, l'étude Santé positive : guide des déterminants scientifiques aux citoyens, professionnels et institutions. L'ambition ? Encourager une éthique du care (le prendre soin) dans le monde médical. «Notre étude se base sur le crédit scientifique pour valoriser des apprentissages émotionnels qui pourraient nous faire gagner une décennie d'espérance de vie», explique la juriste de formation.
De plus en plus d'études montrent à quel point notre paysage intérieur influe sur la santé. On sait déjà qu'un stress intense peut faire le lit du fameux tako-tsubo (ou syndrome du cœur brisé), une maladie cardiaque proche de l'infarctus du myocarde. Des chercheurs ont étudié la fréquence des rires chez plus de 20 .000 personnes. Celles qui rient moins affichent 1,6 % plus de risque d'AVC ! D'autres ont montré une meilleure résistance aux rhumes chez les individus qui vivent dans un état émotionnel globalement plus porteur. «Les personnes qui ressentent plus d'émotions désagréables sont moins attentives à leurs besoins physiques, et inversement», avance Saphia Larabi. Les émotions positives favorisent une meilleure résistance aux rhumes et une capacité de récupération accrue.
Les émotions dites négatives ne sont pas à bannir pour autant. Des chercheurs ont corrélé le sentiment de bien-être avec la variété et l'abondance d'émotions, aussi bien agréables (enthousiasme, excitation, gratitude…) que désagréables (colère, anxiété, tristesse…). En France, une étude sur 35 .000 personnes montre que plus l'« émodiversité » est élevée, plus le risque de dépression baisse. En Belgique, une autre expérience, menée auprès de 1 300 personnes, souligne que la richesse des émotions peut réduire la fréquence des visites chez le médecin (jusqu'à 25 %). Ce nouveau paradigme de santé encourage l'installation d'accompagnements holistiques des patients dans certaines institutions.
À la Stanford University School of Medecine (Californie), on applique le programme Mind-Body, lancé sous l'égide du cardiologue et médecin holistique, Kenneth Pelletier. Le principe : aider les malades du cœur à s'aider eux-mêmes. Yoga, méditation en pleine conscience ou par le son, marche silencieuse…, les soins sont choisis en fonction des goûts de l'individu, après entretien, puis rigoureusement monitorés. Plus les malades sont actifs dans leur traitement, plus les quantités de médicaments sont diminuées, remarquent les soignants. Une étude du National Institute of Health américain confirme les bienfaits du programme : sur 300 personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, 150 ont suivi un programme Mind-Body et 150 des soins classiques. Cinq ans plus tard, 20 % des patients du premier groupe n'ont plus de signe de maladie, 70 % sont stabilisés et 13,3 % ont dû être opérés. Dans le second groupe, tous les cas ont empiré, et 45 % ont dû être opérés.
D'après le docteur en médecine et formateur en coaching de santé Jean-Luc Monsempès, un travail de fond sera nécessaire sur le système de santé dans les années à venir : «Seules 20 % des maladies sont issues de facteurs génétiques. Les autres sont liées à de mauvaises habitudes de vie, et consomment près de 80 % du budget de la sécurité sociale.» Les patients devront, à terme, devenir plus responsables, à en croire cet expert dans l'application des sciences cognitives au monde de la santé. «Dans l'approche médicale traditionnelle, le symptôme est un signal d'alarme qui appelle à réparer une partie du corps en difficulté. Dans une optique systémique, le symptôme invite à déployer un niveau de conscience plus adapté à de nouvelles aspirations de vie», avance le pro. Ces deux approches se complètent : le médecin soigne au mieux, mais le patient est acteur de la lutte contre la maladie. D'où le développement de techniques issues de la programmation neurolinguistique (PNL), influencées par les découvertes de la psycho-immunologie (travail sur les croyances, affirmations verbales de guérison, visualisations…).
Parfois, une thérapie s'impose, prévient Jean-Luc Monsempès, pour changer les habitudes de vie du patient souvent issues d'événements douloureux survenus à un stade précoce. Dans son ouvrage remarquable Les maladies ne tombent peut-être pas du ciel (Éditions Dunod, mai 2022), Cyril Tarquinio détaille la manière dont les épreuves de l'enfance, petites ou grandes, marquent le corps, jusqu'à l'ADN. Le professeur de psychologie clinique et psychologie de la santé à l'Université de Lorraine, à Metz, interpelle par ailleurs sur notre responsabilité devant les générations à venir : «On parle beaucoup du climat et de l'état dans lequel nous laisserons la planète à nos enfants. Sans doute faudrait-il également s'interroger sur l'intégrité psychologique et la santé des générations futures.» En question : l'éducation, la manière dont ils auront traversé leur enfance et leur adolescence. La bienveillance, une écologie sociale ?
…piochées dans l'étude Santé positive de la Fabrique Spinoza.
1. Avoir un animal de compagnie : vivre avec un chien réduirait de 24 % la probabilité de mort prématurée ; le tenir dans nos bras générerait autant d'ocytocines (un neurotransmetteur antistress) qu'entre une mère et son enfant.
2. Aller voir des expositions : les personnes qui vont au musée une fois par mois ont 48 % moins de risques de faire une dépression nerveuse. L'art sur prescription est une tendance déjà établie dans les pays anglophones. Les Musées du château de Compiègne ont récemment ouvert aux médecins leurs premières ordonnances muséales.
3. Passer un moment en forêt : les bains de forêt (shinrin-yoku) ont prouvé leurs bienfaits sur la pression artérielle ou sur l'immunité. L'Espace Naturel Sensible des lagunes d'Hostens et de Gât Mort, en Gironde, vient d'être labellisé pour cette pratique médicale. On parle «d'ordonnances sylvestres».
4. Prier : un dieu, un esprit, un ange… S'adresser à une puissance surnaturelle agit sur le corps et le cerveau, comme le prouvent les étonnantes recherches de la neurothéologie. Cette jeune science étudie notamment les processus de guérison dans les cercles de prière laïque des Alcooliques Anonymes. À pratiquer selon sa sensibilité !
5. Faire et recevoir des câlins : toute manifestation de tendresse physique (caresses, massages, embrassades) fait aussi grimper le taux d'ocytocine : effet dopant sur le système immunitaire à la clé.
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