Prix Nobel : dix pays concentrent trois quarts des récompenses depuis 1901
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- «Ce qui fait l’identité de quelqu’un, c’est sa mémoire»
- Annie Ernaux, une Nobel dont le « je » dit l’expérience commune
- «Annie Ernaux montre que l’intime est politique mais aussi que le politique est intime»
- Annie Ernaux, femme de l’être
- La Nobel Annie Ernaux
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«Ce qui fait l’identité de quelqu’un, c’est sa mémoire»
En mai dernier, l’écrivaine française présentait au Festival de Cannes «Les Années super 8», un documentaire cosigné avec son fils et visible ce mois sur Arte. Rencontre croisée
Annie Ernaux au début des années 1970, filmée par son mari d'alors, Philippe Ernaux.
En mai dernier, surprise, c’est sur la Croisette qu’on conversait dans un petit appartement loué par une maison de production avec Annie Ernaux et David Ernaux-Briot, un de ses deux films. Etrange impression que de croiser une des grandes voix de la littérature contemporaine francophone au Festival de Cannes, qui en marge de sa défense du cinéma d’auteur mondial est connu pour son faste et ses stars, là où Annie Ernaux pratique une écriture intime et mémorielle, justement récompensée ce jeudi par le Nobel de littérature. Mais il se trouve qu’elle a cosigné avec son cadet Les Années super 8, un documentaire s’inscrivant parfaitement dans son œuvre et sélectionné par la Quinzaine des réalisateurs. Un film présenté en première suisse la semaine dernière au Zurich Film Festival, et visible jusqu’à la fin du mois sur le site d’Arte.
A lire: Annie Ernaux, une Nobel féministe et engagée
Les Années super 8 s’ouvre sur un plan panoramique dévoilant un paysage montagneux et brumeux. Puis vient la voix off d’Annie Ernaux: «A la fin de l’hiver 1972, nous avons acheté une caméra super 8 Bell & Howell avec tout le matériel pour projeter les films. Nous étions tout juste trentenaires, mon mari Philippe Ernaux et moi, avec deux garçons de 7 et 3 ans, Eric et David. Nous vivions depuis sept ans à Annecy, où Philippe Ernaux, après des études de Sciences Po, avait décroché le poste de secrétaire général adjoint de la mairie. J’étais prof de lettres dans un collège. Au début, venant de Bordeaux, nous n’avions pas aimé les montagnes qui nous encerclaient, l’hiver interminable, le printemps brutal et fugitif, l’été trop touristique. Nous nous étions accoutumés, nous aimions la ville.»
De 1972 à 1981, au moment de la séparation du couple, Philippe Ernaux tournera en super 8 de petits films de famille, filmant aussi bien le quotidien de la famille que de grands voyages, par exemple dans le Chili de l’Unité populaire de Salvador Allende. Dans le texte qu’elle lit en voix off, Annie Ernaux parle de l’histoire en marche, mais aussi de son travail. On la découvre jeune, en train d’écrire. Les années 1970 seront décisives, celles de sa naissance en tant qu’écrivaine.
Le Temps: Durant les années que documentent «Les Années super 8», vous publiez vos trois premiers livres, «Les Armoires vides», «Ce qu’ils disent ou rien» et «La Femme gelée». Ce film, c’est finalement l’histoire de votre entrée en littérature, racontée avec des images d’archives et un texte contemporain, d’où un recul intéressant…
Annie Ernaux: J’ai en effet tout de suite eu conscience qu’en écrivant le texte du film, je donnais des éléments sur mes débuts d’écrivaine. A cette époque, je ne me considère d’ailleurs pas comme écrivaine. J’écris un livre, un deuxième, un troisième, mais je suis d’abord une professeure. Faire ce film m’a permis de mesurer le parcours de mes livres, qui sont toujours liés à des moments filmés. Les Armoires vides, ce sera en grande partie le Chili; je ne cite pas Ce qu’ils disent ou rien, mais c’est l’Angleterre; et on verra ensuite l’écriture et l’évolution de La Femme gelée, qui mène à la rupture. Suivra alors une autre période, et même avec La Place une autre forme d’écriture. Disons que j’ai livré, à partir des images, quelque chose qui n’était pas vraiment éclairci.
Comment est né ce film?
David Ernaux-Briot: A l’origine, il y a le désir d’un de mes enfants de voir son grand-père, décédé avant leur naissance. Mais comme il était le filmeur, il y a peu d’images où on le voit. Lorsqu’on a projeté les bandes pour le retrouver, j’en ai profité pour filmer l’écran avec une caméra numérique et enregistrer en même temps nos commentaires, dans un pur but de transmission familiale. Puis, en revoyant cela, je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui nous dépassait et qu’il y aurait peut-être un objet cinématographique à créer grâce aux commentaires de ma mère, qui porte la mémoire de la famille. Je lui ai alors proposé d’écrire un texte avec une totale liberté afin d’accompagner un montage de ces archives super 8. Elle en connaissait donc déjà quelques-unes, mais on a tout revu afin qu’elle me donne les clés qui allaient me permettre, lorsque j’allais me retrouver au montage, avec les images d’un côté et le texte qu’elle a enregistré en solitaire durant le confinement de l’autre, de concevoir cet objet.
Rencontre exclusive à domicile: Annie Ernaux: «La sexualité est un moyen de connaissance»
A quel moment avez-vous pris conscience que votre mère n’était pas seulement prof, mais aussi écrivaine?
D. E-B.: Pour moi, cela n’a jamais été une question, car je l’ai toujours vue écrire. J’avais 6 ans lorsque a été publié Les Armoires vides. En revanche, son statut ne m’est apparu, même si cela peut sembler un peu stupide, qu’avec la reconnaissance par le Prix Renaudot en 1984 pour La Place. Là, il y avait validation officielle.
Annie, quand vous regardez ces images, vous vous reconnaissez ou vous voyez une femme différente, qui n’est plus celle que vous êtes aujourd’hui?
A. E.: Je suis très différente, non seulement physiquement, mais aussi parce que je ne connais pas, à ce moment-là, mon avenir… Mais en même temps, je suis la même. Ce qui fait l’identité de quelqu’un, c’est sa mémoire: je vois cette jeune femme et je sais ce qu’elle éprouve, je sais ce qui la traverse. L’essentiel est là, même s’il y a forcément des choses que j’ai oubliées.
Ce qui est intéressant, aussi, c’est la manière dont les voyages rythment le film, vous permettant de passer de votre histoire, de l’intime, à quelque chose de plus universel…
A. E.: Ces images, à travers l’importance accordée par mon mari à ces voyages, étaient pour moi une incitation à évoquer ce qui nous faisait partir, ce qu’on allait chercher, ou au contraire ce qui nous indifférait. A ce titre, un voyage comme l’Albanie, qui longtemps m’est apparu comme sans intérêt, a soudainement repris une place importante dans ma conscience, avec notamment la visite du Musée de l’athéisme. Mais ça, tu ne l’as pas gardé?
D. E-B.: Non, en effet… Mais tu l’as validé quand même! Il a fallu faire des choix car le texte que tu avais enregistré durait une heure en lecture continue, et c’est impossible de faire un film avec cela, d’autant plus que les rushes étaient quand même assez limités – pas plus que 3-4 heures en enlevant les images inutilisables. En outre, la narration cinématographique est complètement différente de la narration écrite. Installer un lieu, un paysage, cela demande du temps, et il faut des respirations tout en gardant le rythme de l’interaction entre l’image et la voix.
A. E.: Je ne conteste d’ailleurs pas cela. Car autant j’ai eu la liberté d’écrire ce que je voulais, autant je ne connais rien à la fabrication d’un film…
Lire aussi: La leçon de mémoire d’Annie Ernaux
Vous n’avez jamais envisagé d’écrire pour le cinéma, ou d’adapter vous-même un de vos livres…
A. E.: Non, car je pense que j’ai une forme de timidité par rapport à d’autres formes d’écriture. Prenons l’écriture théâtrale: j’ai souvent été sollicitée, mais je n’ai jamais désiré ni osé le faire, tandis que l’écriture littéraire proprement dite est quelque chose que j’ai imaginé et souhaité très tôt. Pour écrire une pièce de théâtre, il faut penser qu’elle va être représentée; quant au cinéma, je sais tout ce que cela suppose, et dans le fond je n’ai pas envie de travailler avec les autres.
D. E-B.: Voilà le point central! C’est d’ailleurs pour cela que nous n’avons véritablement collaboré qu’à la fin, quand il fallait ajuster texte et images. Pour le reste, nous avons travaillé séparément, car je sais bien que quand ma mère va dans son bureau et qu’elle écrit, il est inimaginable d’interagir avec elle. Son travail est solitaire.
A. E.: Je ne sais pas écrire collectivement… Le cinéma, c’est une autre écriture. Prenez l’adaptation qui a été faite de L’Evénement [Audrey Diwan, 2021]: si j’avais travaillé sur le film, je n’aurais pas pu renoncer à ce qu’il y a dans mon livre, c’est-à-dire une réflexion sur comment écrire ça? Cela aurait été un déchirement, parce que L’Evénement, c’est autant la mémoire d’un avortement qu’une réflexion sur comment écrire l’avortement, ce qu’on ressent quand on se penche sur quelque chose que l’on peut décrire comme un traumatisme, même si je n’emploie jamais ce terme.
Dans «L’Evénement», vous êtes incarnée par Anamaria Vartolomei, de même que dans l’adaptation de «Passion simple» (Danielle Arbid, 2020), c’est Lætitia Dosch qui joue votre rôle. Qu’est-ce que cela fait, alors que la mémoire est au cœur de votre œuvre, de voir vos souvenirs prendre forme avec des actrices incarnant d’anciennes versions de vous-même?
A. E.: C’est troublant dans la mesure où elles emploient parfois mes mots. Mais c’est à chaque fois différent. J’ai par exemple eu plus de mal à me retrouver dans Lætitia Dosch étant donné que j’ai vécu l’histoire de Passion simple entre 48 et 49 ans, alors qu’elle avait à peine 40 ans et qu’elle fait très jeune. Anamaria Vartolomei joue en revanche une fille qui a 20 ans, et c’est trop loin… Ce qu’elle incarne, la douleur, quelque chose de traumatisant, est par contre d’une certaine manière plus facile que jouer l’exultation du corps, de traduire ce qu’est la passion amoureuse – quelque chose qui est loin dans mon histoire, qui ne m’habite plus du tout.
Les Années super 8, d’Annie Ernaux et David Ernaux-Briot (France, 2022), 1h01. A voir sur Arte.tv jusqu’au 31 octobre.
Annie Ernaux, une Nobel dont le « je » dit l’expérience commune
L’autrice est la première Française, le seizième écrivain français, huit ans après Patrick Modiano, et la dix-septième femme à recevoir le prix Nobel de littérature.
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https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/10/07/avec-annie-ernaux-le-prix-nobel-recompense-une-uvre-constante-tranchante-et-intense-qui-a-fait-evoluer-la-litterature-francaise_6144757_3260.html
A sa table de travail, dans sa maison de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), Annie Ernaux s’étonnait un peu, jeudi 6 octobre, que son téléphone sonne avec acharnement. Pas au point de décrocher avant d’avoir terminé ce qu’elle avait en cours, néanmoins. C’est donc avec un léger décalage que l’écrivaine a appris par l’agence de presse suédoise TT qu’elle s’était vu attribuer le prix Nobel de littérature 2022. « Je suis très surprise, vous êtes sûr que je l’ai bien reçu ? », a demandé celle qui figurait pourtant depuis plusieurs jours parmi les favoris sur les sites de paris en ligne – comme cela avait déjà été le cas en 2021. Sûr et certain ! Avec cette récompense, le comité de l’Académie suédoise a voulu saluer (dans son langage tarabiscoté qui offre un enchantement chaque année renouvelé) « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ».
Annie Ernaux est la première autrice française à recevoir, depuis 1901, la distinction dotée de 8 millions de couronnes (environ 730 000 euros), le seizième écrivain français, huit ans après Patrick Modiano, et la dix-septième femme. Elle succède au romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah.
Ce qui se voit ainsi mondialement célébré, c’est une œuvre qui ne pratique l’autobiographie (terme qu’elle récuse, cependant) que pour dire une histoire, des sensations, des émotions communes. Qui écrit « je » pour que le lecteur, à son tour, lise « je » et se retrouve, quels que soient les détails de sa vie propre, dans le texte qu’il a sous les yeux. Une œuvre admirable par sa constance, son tranchant et son intensité, dont l’écriture a toujours été conçue par son autrice comme une exigence « qui ne peut laisser en repos », s’attachant phrase après phrase, livre après livre, à tenter d’élucider le réel, à accéder à la compréhension et à l’expression d’une vérité autrement inaccessibles sur l’existence. Tel est le pouvoir fondamental qu’Annie Ernaux attribue à cet exercice situé, selon celle qui a toujours accepté de commenter généreusement son travail au cours d’entretiens, « entre la littérature, la sociologie et l’histoire ».
« Acte politique »
Des Armoires vides (Gallimard, 1974) au Jeune homme (Gallimard, 2022), en passant par La Place, L’Evénement, Mémoire de fille (Gallimard, 1983, 2000, 2016) ou encore Regarde les lumières, mon amour (Seuil, 2014), l’écrivaine a très largement contribué à faire évoluer la littérature française, et au-delà, comme le prix Nobel l’atteste.
Elle travaille à bouleverser l’ordre littéraire comme elle veut faire trembler l’ordre social, avec intransigeance, en écrivant de la même manière sur des objets « considérés comme indignes de la littérature », tels l’avortement, le RER, les supermarchés, et sur d’autres, tenus pour plus « nobles » : le temps, la mémoire, l’oubli – elle n’est pas une lectrice de Proust (mais aussi de Georges Perec ou Raymond Carver) pour rien. En refusant, aussi, une vision ornementale de la phrase, pour lui préférer une forme de netteté et de sécheresse – une « écriture plate » qui témoigne de sa méfiance à l’égard des joliesses du langage et des formes de domination que celles-ci, selon elle, exercent et reproduisent.
Annie Ernaux estime que l’écriture est « ce qu’[elle pouvait] faire de mieux comme acte politique, eu égard à [sa] situation de transfuge », comme elle le dit dans L’Ecriture comme un couteau, recueil d’entretiens avec Frédéric-Yves Jeannet (Stock, 2003). Cet engagement se développe sous deux formes.
Cette œuvre, entamée il y a quarante-huit ans, s’inscrit de plain-pied dans son époque
D’un côté, il sous-tend la révolte sociale qu’on trouve au cœur de ses livres, lesquels ne sauraient être lus comme des tracts : on compte parmi les admirateurs de son œuvre un Alain Finkielkraut, guère en phase avec la vision du monde développée par Annie Ernaux, qui n’a jamais fait mystère de sa sympathie pour « l’extrême gauche ».
D’un autre côté, cet engagement est venu nourrir diverses prises de position publiques, notamment à partir des années 2010. En 2012, elle rédige un texte dirigé contre l’écrivain et éditeur chez Gallimard Richard Millet, signataire d’un Eloge littéraire d’Anders Breivik (Pierre Guillaume de Roux), consacré au tueur d’extrême droite norvégien, auteur des attentats terroristes ayant causé la mort de 77 personnes, à Oslo et à Utoya, le 22 juillet 2011. Sa tribune est contresignée par 118 écrivains. Ils ne sont pas toujours si nombreux à la suivre. Ainsi, en 2017, elle appose son nom sur un texte de soutien à la fondatrice du Parti des indigènes de la République, Houria Bouteldja, et sur un autre en faveur du socialiste Gérard Filoche, qui avait retweeté une caricature antisémite mettant en scène Emmanuel Macron. D’autres pétitions suivent, pour le boycott de la saison culturelle France-Israël (en 2018) et le concours de l’Eurovision à Tel-Aviv (2019).
En 2021, celle qui a dit sa solidarité avec les « gilets jaunes » intègre le « parlement de l’Union populaire », réunissant des personnalités en faveur de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle 2022. Celui-ci a du reste fait savoir que la nouvelle du Nobel l’avait fait « pleurer de bonheur ». Emmanuel Macron, que l’écrivaine n’a guère ménagé, tout en ayant voté pour lui au second tour de la présidentielle, a pour sa part tweeté : « Annie Ernaux écrit, depuis cinquante ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays. Sa voix est celle de la liberté des femmes et des oubliés du siècle. Elle rejoint par ce sacre le grand cercle de Nobel de notre littérature française. »
De fait, cette œuvre, entamée il y a quarante-huit ans, s’inscrit de plain-pied dans son époque. Le chercheur, essayiste et critique Dominique Viart note, dans Annie Ernaux : le temps et la mémoire (Stock, 2014), qu’elle est « au cœur des préoccupations de ces dernières décennies. Elle est attentive aussi bien aux grandes problématiques sociales – différence de classes, distinction socioculturelle, revendications féminines… – qu’aux catégories que l’art ou la pensée ont récemment portées à l’avant-scène – questions de la mémoire et du quotidien, de l’héritage et de la filiation. Profondément impliquée dans la discussion de phénomènes littéraires aussi décisifs que le retour du sujet et de l’autofiction, elle participe aux débats que la littérature entretient désormais avec les sciences humaines ».
« Trahison »
Née Annie Duchesne, à Lillebonne (Seine-Maritime), le 1er septembre 1940, elle a grandi dans le café-épicerie de ses parents, anciens ouvriers, à Yvetot. Ce qui lui a permis d’être traversée, très tôt, « par toutes sortes de conversations et de langages », de prendre conscience des hiérarchies sociales, même les plus subtiles, des formes de domination les plus infimes. « Comme enfant vivant dans un milieu dominé, j’ai eu une expérience précoce et continue de la réalité de la lutte des classes. [Le sociologue Pierre] Bourdieu évoque quelque part “l’excès de mémoire du stigmatisé”, une mémoire indélébile. Je l’ai pour toujours », lit-on dans L’Ecriture comme un couteau.
Sa mère est une catholique croyante, fervente lectrice de grandes sagas, attachée à donner à sa fille une bonne éducation qui lui permette de s’élever socialement, de mener « une vie intéressante, une vie indépendante », l’encourageant à délaisser les activités domestiques pour lire et étudier, et nourrissant ainsi les prémices d’un féminisme que la lecture de Simone de Beauvoir viendra, plus tard, ancrer en elle. Elle l’inscrit dans une école privée tenue par des religieuses. « C’est par l’école et surtout les livres que j’ai acquis le français légitime, correct, le beau langage, confiera-t-elle dans Le Vrai Lieu, livre d’entretiens avec Michelle Porte (Gallimard, 2014). J’écris avec ce langage-là, mais il me donne toujours un sentiment d’irréalité. Je voudrais qu’il y ait dans les mots de ce langage la même force, le même corps en somme, que dans le langage que j’ai abandonné. »
Sous l’influence du Nouveau Roman, elle compose en 1962 un premier roman, L’Arbre, « d’une structure complexe, trop ambitieuse », dira-t-elle au « Monde »
Elle quitte Yvetot pour l’école normale de Rouen, qui doit faire d’elle une institutrice. Elle passe l’été 1960 à Londres comme jeune fille au pair : à ce moment-là, écrira-t-elle dans Mémoire de fille, « j’ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu’un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour ». Elle décide de poursuivre ses études de lettres, et s’inscrit également en philosophie. Sous l’influence du Nouveau Roman, elle compose en 1962 un premier roman, L’Arbre, « d’une structure complexe, trop ambitieuse », dira-t-elle au Monde, et que les éditions du Seuil refusent. A la même époque, elle note dans son journal : « J’écrirai pour venger ma race. » Dans L’Ecriture comme un couteau, elle explique cette phrase : « Je voulais dire la classe sociale dont je suis issue. J’avais écrit “race” sans doute à cause du cri de Rimbaud : “Je suis de race inférieure de toute éternité”, aussi parce que le terme de race marquait plus fortement que “classe” mon appartenance au monde dominé. »
En ce début des années 1960, elle rencontre son futur mari, Philippe Ernaux, fonde avec lui une famille (ils auront deux fils), poursuit ses études. En 1967, elle passe le capes de lettres au moment où son père meurt : « Tout à coup, dira-t-elle au Monde en 2000, j’ai vu cette chose terrible, ce gouffre qui ne serait jamais comblé entre lui et moi, et je me suis vue en transfuge de classe. C’était pire que le deuil. » L’écriture va (re)naître de cette « trahison », dont le sentiment est encore accentué par l’obtention de l’agrégation de lettres modernes en 1971. Sans en parler autour d’elle, sous couvert, pour qu’on la laisse tranquille, de travailler à une thèse sur Marivaux, elle commence à creuser cette déchirure, en travaillant sur Les Armoires vides, son premier roman, publié en 1974.
L’adieu à la fiction
Le mot « roman » figure sur la couverture, et la narratrice de ce texte à l’écriture déjà dépouillée s’appelle Denise Lesur. Mais l’enfance normande dont cette étudiante se souvient dans un monologue intérieur violent, où sourdent la colère et l’ambivalence, tandis qu’elle vit un avortement, accuse plus d’un trait commun avec les textes non fictionnels qu’Annie Ernaux publiera par la suite. Le 5 avril 1974, Le Monde salue « une révélation de printemps », « un diable de bouquin », « un roman âpre, lucide, pulpeux et désespéré ».
Suit Ce qu’ils disent ou rien (Gallimard, 1977), qui met aux prises une adolescente avec la sexualité. En 1981, l’acide La Femme gelée (Gallimard), qui peint le portrait d’une femme dans les années 1960, de son mariage et des désillusions qu’il a occasionnées, est un marqueur du processus en cours d’abandon de la fiction – et témoigne également du puissant intérêt de l’écrivaine pour la sociologie. Son époux (qu’elle ne désigne que comme « Philippe Ernaux » dans le documentaire Les Années Super 8, réalisé avec son fils David en 2022) voit un lien si fort entre le « roman » de sa femme et leur vie qu’ils se séparent. C’est elle qui reste dans la maison qu’ils avaient achetée à Cergy, qu’elle ne quittera plus. A la relation si particulière entre l’écrivaine et sa ville, un documentaire sera consacré en 2020 : J’ai aimé vivre là, de Régis Sauder.
« Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre le parti de l’art » – Annie Ernaux dans « La Place », 1984
En 1984, elle fait paraître La Place (Gallimard), qui s’ouvre sur cet adieu à la fiction : « Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre le parti de l’art ni de chercher à faire quelque chose de “passionnant” ou d’“émouvant”. » La vie « soumise à la nécessité » en question, c’est celle de son père. L’endroit d’où elle écrit est la douleur de s’être éloignée inexorablement de cet homme à mesure qu’elle prenait le chemin de l’ascension sociale ; la douleur d’avoir eu honte de lui, et celle de l’avoir perdu. Pour la première fois, elle écrit, commentera-t-elle, « sans transcrire ma propre émotion, sans faire de connivence entre le lecteur et moi contre mon père. Je ne veux pas de jugement. Il ne faut pas que le lecteur juge mon père ». Jalon essentiel dans son œuvre, La Place reçoit le prix Renaudot.
A ce livre du père répond, en 1988, Une femme (Gallimard), celui de sa mère, morte après avoir souffert pendant des années de la maladie d’Alzheimer : « Je n’entendrai plus sa voix… J’ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue », écrit sa fille qui cherche, au cours du texte, à retrouver sa mère à tous les âges – forte et violente quand elle menait son monde à Yvetot, tellement diminuée dans ses dernières années – et les sentiments inextricablement mêlés qu’elle a éprouvés pour elle. Elle réunit ses parents dans La Honte (Gallimard, 1997), ce livre où elle explore, sans baisser les yeux, en croisant le souvenir personnel à l’analyse historique et sociale, le dimanche de juin 1952 où son père a voulu tuer sa mère. « J’ai toujours, note-t-elle, eu envie d’écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d’autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m’apporter l’écriture d’un livre qui soit à la hauteur de ce que j’ai éprouvé dans ma douzième année ? »
La renommée sans cesse croissante d’Annie Ernaux n’empêche évidemment pas les critiques négatives. L’écrivaine connaît nombre d’attaques et d’éreintements, en particulier dans la presse de droite. Certains descendent une littérature « étriquée, rabougrie, asthmatique », fustigent son « misérabilisme racoleur », sa « prétention fade et inouïe », ou raillent une « RMiste du style et du vocabulaire ». En 1992, Passion simple (Gallimard), évocation d’une liaison avec un diplomate soviétique (« A partir du mois de septembre l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi ») se trouve qualifié de « bluette de dactylo ». Le court ouvrage ne manque cependant pas de défenseurs, qu’enthousiasme, neuf ans plus tard, la publication de Se perdre (Gallimard), restitution du journal d’Annie Ernaux durant l’époque de cette « histoire aliénante » : la comparaison entre les deux textes permet de voir à l’œuvre la transfiguration de l’expérience autobiographique en littérature.
Nobélisable
A cette opération, elle ne cesse de se livrer, elle qui notera en exergue du Jeune homme (Gallimard, 2022) : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme. » L’Evénement (Gallimard, 2000) revient sur un avortement subi en 1963 ; L’Occupation, sur la fin d’une passion. C’est avec Les Années (Gallimard, 2010), cependant, que cette écrivaine révérée par nombre de ses confrères, sujet de thèses et de colloques universitaires, accède au statut d’autrice nobélisable (la traduction anglaise paraîtra en 2018 et lui vaudra d’être finaliste du Man International Booker Prize).
Les Années s’ouvre sur une certitude : « Toutes les images disparaîtront », et s’achève par un espoir d’écrivaine : « Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais. » Entre les deux se raconte, sur le mode distancié et impersonnel de la troisième personne, une vie, celle d’Annie Ernaux, avec, en toile de fond, l’évolution du monde au fil des ans. Glissant du « elle » au « on » et au « nous », ce livre, dont le titre de travail était « Roman total », est un texte magistral sur la mémoire individuelle et la mémoire collective, ce qui nous fait individus, générations, classes… Mémoire de fille (Gallimard, 2016), pour sa part, s’écrit entre le « je » et le « elle ».
Inspiration majeure pour beaucoup d’écrivains des générations suivantes, Annie Ernaux a le goût de la transmission, et encourage les jeunes auteurs
Le premier est celui de la femme septuagénaire occupée à restituer par l’écriture deux années de sa vie, entre 1958 et 1960, le « elle » désigne celle qu’elle était alors, d’abord persuadée d’avoir découvert l’amour, alors qu’elle travaillait comme monitrice d’une colonie de vacances, auprès d’un homme brutal qui la rejeta vite, puis découvrant la honte, avec la lecture du Deuxième Sexe, de s’être comportée en objet – en « fille ». A travers cette dissociation, il s’agit d’« aller le plus loin possible dans l’exposition des faits et des actes. Et le plus cruellement possible, à la manière de ceux qu’on entend derrière une porte parler de soi en disant “elle” ou “il” et à ce moment-là, on a envie de mourir ». Le mouvement #metoo, ainsi qu’elle le dira plus tard, lui permettra de comprendre que son dépucelage était un viol.
Inspiration majeure pour beaucoup d’écrivains des générations suivantes, Annie Ernaux a le goût de la transmission, et encourage les jeunes auteurs. Combien sont-ils à lui avoir adressé leur roman en témoignage d’admiration et de gratitude, et à avoir reçu des mots où, de sa calligraphie d’ancienne professeure, elle témoigne de ce qu’elle les a lus, bien lus, et leur donne des forces pour continuer ? A l’annonce de son Nobel, ils ont été nombreux à clamer leur joie, d’Edouard Louis à Nicolas Mathieu en passant par Virginie Despentes.
«Annie Ernaux montre que l’intime est politique mais aussi que le politique est intime»
«On est tentés de voir Annie Ernaux comme une héritière de Simone de Beauvoir, parce qu’elles sont féministes et qu’elles ont toutes les deux écrit sur leur vie. Ernaux a dit plusieurs fois l’importance qu’a eue la lecture du Deuxième Sexe dans sa vie. Mais il y a une immense différence : Beauvoir écrit des Mémoires, c’est-à-dire qu’elle pense en partie que sa vie est intéressante par son caractère exceptionnel de vie d’autrice. Ernaux, elle, s’efforce d’écrire la vie ordinaire. A ce titre, elle parle directement de ce que c’est que de vivre une vie de femme. Son style si apparemment neutre a, je crois, à faire avec cette idée que ce qui fait de sa vie une exception est qu’elle l’écrit et non ce qui s’y passe. En écrivant cette vie, elle montre que l’intime est politique mais aussi que le politique est intime : ces «questions de société» que sont l’avortement ou le viol sont aussi, et peut-être surtout, des expériences humaines, des expériences notamment de ce que c’est que de vivre dans le monde des hommes. Ce ne sont pas des questions abstraites, ce sont des expériences dramatiques, dont l’écho se fait entendre au long de la vie et au long des différents livres.»
Annie Ernaux, femme de l’être
Alors que le monde, du moins vu d’Europe, est en ébullition, le Nobel récompense une écrivaine française qui raconte sa vie. On attend des romanciers qu’ils réinventent la fiction romanesque – c’est ce qu’appelait de ses vœux dans son discours la lauréate 2018, Olga Tokarczuk, et c’est, en ce sens, ce que fait depuis toujours Salman Rushdie, que les jurés de Stockholm auraient pu récompenser cette année. Annie Ernaux semble au contraire préférer l’étroite exactitude du souvenir à l’ampleur des grandes formes. Mais le paradoxe de cette œuvre entièrement et obstinément intime, épurée, nettoyée de tout artifice, est qu’elle rejoint l’universel par son absolue sincérité. Qu’est-ce que la littérature, sinon l’expression d’une parole unique ? En distinguant la singularité d’un artisan du langage, les Nobel ont eu le sentiment de mettre en lumière le «courage» d’Annie Ernaux. Eux-mêmes, en l’occurrence, n’en ont pas manqué.
Une transfuge de classe raconte comment la rupture avec son milieu d’origine s’est produite très tôt, et très douloureusement. Fille unique (après la mort d’une sœur aînée longtemps ignorée) d’un couple normand qui tient un café-épicerie à Yvetot (Seine-Maritime), Annie Ernaux va au cours privé de la petite ville, où elle découvre un autre monde. Elle n’est pas de ce monde-là, qu’elle rejoindra plus tard avec ses études à Rouen, mariée à un homme du même niveau intellectuel qu’elle mais d’un milieu moins modeste, dont elle garde le nom quand ils divorcent. Agrégée de lettres, elle est longtemps enseignante par correspondance, ce qui lui assure une fréquentation assidue des grands auteurs du passé. Chez elle, au tout début, ce n’est pas pareil. C’est d’un côté les clientes de sa mère, figure intransigeante de l’autorité et de la probité, et de l’autre les habitués de son père, un homme bon qui sait tenir tête aux poivrots du coin, et qui a ses coups de colère, comme elle le relate dans la Honte (1997, Gallimard comme l’essentiel de ses livres) : «Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi.»
Modestie et banalité
Affronter l’arrachement, c’est aussi affronter la littérature. Dans son premier roman, les Armoires vides (1974), Annie Ernaux a le verbe haut, la phrase riche pour décrire les personnalités fortes en gueule qui ont peuplé son enfance et son adolescence, par opposition à la douce atmosphère guindée de l’école, et la langue de la culture. On sent qu’elle a lu Zola et Maupassant. Sa plume est virtuose. Si elle avait continué dans cette veine, elle aurait fini par avoir le prix Goncourt. Avec la Femme gelée (1981), elle reste dans la fiction pour mettre en scène sa vie de jeune mère de famille ligotée par la tradition patriarcale. Son mari et elle ont les mêmes diplômes, mais pas la même charge mentale, comme on ne disait pas à l’époque. On trouve la trace de cette expérience, de sa jeunesse, dans les Années Super 8, le film réalisé par un de ses deux fils, David, commenté par elle-même, présenté au dernier festival de Cannes (visible sur Arte.tv).
Que vont découvrir, avec ce montage d’archives familiales, les lecteurs qui voudront en savoir plus sur la Prix Nobel de littérature 2022 ? Une forme de modestie qui joue dangereusement avec la banalité. Ce sont les années 70 (Annie Ernaux est née en 1940), une certaine ascension sociale, un voyage au Chili juste avant la mort d’Allende, les premiers sports d’hiver. Devenue veuve, la mère de l’écrivaine vit chez eux avant de repartir quand la mésentente s’installe dans le foyer. Le mari filme les intérieurs (devenus bourgeois), ses fils, sa femme en pull marron (la couleur d’alors), aux cheveux lâchés dans le dos, à la fois présente et absente : une femme grande et mince qui se soucie peu de séduction dans son apparence, à l’opposé de celle qu’elle sera plus tard. Philippe Ernaux filme aussi sa belle-mère, qui ne quitte jamais son tablier à fleurs, ce que souligne le commentaire. De sa voix monocorde, Annie Ernaux égrène sans insister les Noël, les anniversaires, et les marqueurs sociaux, sociologiques. Beaucoup des personnages du film sont morts, à commencer par celui qui filme, le père de ses fils. Les Années Super 8, sous ses airs tranquilles, est un film de romancière, un film sur le temps.
L’autobiographie de tout le monde
Où se situer ? Comment rendre justice aux siens, à ce monde ouvrier et paysan d’avant-guerre qui a tenté de vivre mieux après, avec le café-épicerie ? Comment surmonter la honte des origines et la honte qui est née de les avoir trahies ? C’est avec la Place (1983) puis Une femme (1987) qu’Annie Ernaux forge l’outil qui va la rendre célèbre (et parfois décriée), une écriture blanche, simple, factuelle, destinée à affronter le réel, fût-il dur, violent. D’une part, elle se refuse à inventer. D’autre part, elle veut être lue par ceux-là mêmes qu’elle accueille en littérature : son père et sa mère. Par la suite, elle assume tous les risques qu’implique une autobiographie sans fard : le désir, le sexe, la douleur, la jalousie, la perte sont exposés comme autant d’épisodes qui appellent impérieusement un livre. Passion simple (1992) est le premier qui aborde l’amour de la manière la plus honnête et la plus crue. Mais l’adulte audacieuse n’oublie jamais l’enfant meurtrie qu’elle a été. L’avortement, présent dans son premier roman, revient au centre de l’Evénement (2000). Une initiation sexuelle brutale, à 18 ans, ressurgit dans Mémoire de fille (2016). Son dernier livre en date, le bref récit intitulé le Jeune Homme (2022), était en germe depuis des décennies. «Tous les livres que j’ai écrits ont été précédés d’une phase, souvent très longue, de réflexions et d’interrogations, d’incertitudes et de directions abandonnées», écrit Annie Ernaux dans l’Atelier noir (Les Busclats 2011, Gallimard 2022). Outre ce journal d’écriture, elle tient le journal de sa vie, dont elle a publié quelques pans. La vie et l’œuvre, il ne s’agit pas de confondre. C’est néanmoins dans les liens qu’elles entretiennent que l’écrivaine puise sa personnalité et son univers littéraire propre.
Les Anglais et les Américains ont découvert avec enthousiasme les Années en 2018, dix ans après la parution de cet ouvrage majeur. De 1941 au mitan des années 2000, en décrivant des photographies, en prenant pour jalons des chansons, en se souvenant des repas de famille et des événements du monde extérieur, Annie Ernaux écrit l’autobiographie de tout le monde. En 2003, dans des entretiens avec Frédéric-Yves Jeannet, l’Ecriture comme un couteau (Stock, repris en Folio), elle expliquait : «Pour moi, la vérité est simplement le nom donné à ce qu’on cherche et qui se dérobe sans cesse.» C’est en restant strictement personnelle dans sa recherche de la vérité qu’elle retrace l’aventure commune, et c’est à cela qu’elle doit le prix Nobel de littérature.
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