Singulier ou pluriel ? Raciste dans tous les cas. On ne saura probablement jamais si le député RN Grégoire de Fournas, qui a balancé jeudi dans l’hémicycle un retentissant et nauséabond «qu’il(s) retourne(nt) en Afrique», s’adressait au député LFI Carlos Martens Bilongo qui avait la parole ou s’il évoquait les migrants à propos desquels son collègue s’exprimait. Le compte rendu de l’Assemblée a retenu le singulier mais celui-ci ne tranche pas le débat sémantique puisqu’il peut concerner le bateau de migrants dont parlait le député LFI.
Pour la Nupes comme pour Renaissance, c’est l’élu qui était visé et leurs membres ont illico demandé que le député RN fasse l’objet de la sanction la plus sévère possible de la part du bureau de l’Assemblée qui doit se réunir en urgence ce vendredi à 14h30 – un appel à un rassemblement devant le Palais-Bourbon a d’ailleurs très vite vu le jour à l’initiative de LFI. Pour le RN, passé en mode gestion de crise, le sujet principal de l’épisode n’est pas la teneur des propos de son député, que personne dans ses rangs n’a condamnés ou même regrettés, mais la «manipulation» à laquelle ceux-ci donneraient lieu. Le parti d’extrême droite, en mode «circulez il n’y a rien à voir», assure que Grégoire de Fournas n’a fait que rappeler ce qui est un des piliers du programme frontiste depuis des lustres.
Sacrée dégueulasserie
Si l’hypothèse 1 s’impose, l’affaire est entendue et le racisme le plus crasse d’un député à l’égard d’un autre élu de la nation, ce qui n’est pas une opinion mais un délit, constituera une tache indélébile – une de plus – pour un parti d’extrême droite rêvant de faire de l’Assemblée la vitrine de sa notabilisation. Si l’hypothèse 2 convainc l’opinion, elle doit quand même servir de piqûre de rappel à tous ceux qui se sont laissés convaincre par la fumisterie selon laquelle le RN d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le FN d’hier.
Si comme il l’affirme, la sortie du député Grégoire de Fournas – dont les comptes sur les réseaux sociaux regorgent de propos trash qui témoignent d’une obsession à l’égard des Africains immigrés et des noirs en général – portait sur le sort de migrants qui risquent leur vie pour traverser la Méditerranée en quête d’un bout d’avenir, elle témoigne d’une sacrée dégueulasserie. Un refrain de haine dans l’extrême droite digne des années Jean-Marie Le Pen et un fantasme de la submersion migratoire venue d’Afrique qui constitue une bonne part du langage des militants et des petits élus du parti. On est loin d’une «normalisation» qui n’est décidément que de façade et que s’efforce d’incarner le premier cercle de Marine Le Pen. Il y a peu à l’Assemblée, une députée RN avait ainsi déjà affirmé en toute inhumanité que les secours en mer ne devaient pas porter assistance aux migrants dont les embarcations avaient fait naufrage…
Haine xénophobe
Alors que se tient ce week-end le congrès du parti d’extrême droite avec en point d’orgue la succession de Marine Le Pen à sa présidence, l’épisode tombe évidemment mal pour le RN. Lequel, en faisant entrer 89 députés au Palais-Bourbon, pensait n’avoir qu’à surfer sur la vague d’une confortable position d’opposant majeur. Exercice jusque-là plutôt réussi depuis le début de la mandature, même si celle-ci s’était ouverte par les propos nostalgiques de l’Algérie française de son doyen de l’Assemblée, José Gonzalez. En votant les motions de censure déposées par la Nupes, jusqu’à la dernière signée seulement par LFI, en entendant Mélenchon dire qu’il prenait les voix «d’où qu’elles viennent» quand le but est de censurer le gouvernement, le RN a marqué des points. Fort par ailleurs de ses deux vice-présidences de l’Assemblée en faveur desquelles les troupes macronistes avaient voté.
La sortie de son député, membre du parti d’extrême droite depuis une dizaine d’années, vient rappeler à ceux qui l’auraient oublié que la haine xénophobe reste son principal fonds de commerce. Rappelons également que lors des législatives de juin, qui ont vu Grégoire de Fournas devenir député, la candidate de la majorité présidentielle éliminée au premier tour avait appelé à voter blanc au second en refusant de faire barrage avec la Nupes.
.
.
.